Capitaine de Castille
En 1517, le jeune noble espagnol Pedro de Vargas et sa famille sont emprisonnés par l’Inquisition sous un prétexte fallacieux. Lorsque sa petite sœur décède à la suite d’un interrogatoire, Pedro réussit à tuer son bourreau et à prendre la fuite à l’aide d’une jeune paysanne qu’il avait auparavant aidée. Il décide alors de se joindre à l’expédition d'Hernando Cortez, qui part explorer le Nouveau Monde.
Spécialiste des grandes fresques hollywoodiennes, Henry King renouvelle ici sa fructueuse collaboration avec la star Tyrone Power pour un projet extrêmement ambitieux, tourné sur les lieux mêmes de l’action (le Mexique). Décors naturels, reconstitution impressionnante, figurants par milliers, drame, action, exotisme, amour… Tous les ingrédients du divertissement de l’âge d’or hollywoodien sont réunis, le tout baignant dans un Technicolor resplendissant.
Mais derrière la façade de respectabilité d’une production rondement menée et riche en péripéties, il est permis de s’interroger sur les partis pris scénaristiques de Capitaine de Castille. Car sous le vernis de l’aventure familiale et fastueuse, on peut déceler un hymne à peine voilé à la naissance de l’Amérique, terre promise et nouveau berceau de la civilisation, en opposition à une Europe vieillissante et décadente sombrant dans l’obscurantisme représenté par l’Inquisition. La ‑sublime‑ séquence finale est à ce titre révélatrice. Henry King utilise un heureux hasard (un volcan entré en éruption durant le tournage) pour livrer des plans d’une rare beauté montrant Cortez et ses hommes, dont Pedro de Vargas, avancer sous un ciel chargé de menaces. Dans leur dos, ledit volcan crachant sa noire fumée. Devant eux, un paysage idyllique mis en valeur par les rayons du soleil qui parviennent à traverser les nuages cendreux. Autrement dit, l’adieu à un sombre passé, et la promesse d’une vie meilleure.
Mais ce serait oublier que l’expédition de Cortez donna le signal à l’extermination de toute une civilisation et à la conquête violente d’un continent par les troupes de conquistadores. Le personnage de Cortez, s’il apparaît comme un fieffé roublard, est d’ailleurs interprété par l’ultra‑charismatique Cesar Romero, et semble finalement ne retenir qu’une seule version de l’Histoire, la plus positive, bien sûr. Bref, d’un obscurantisme à un autre, le cinéma hollywoodien menait avec Capitaine de Castille une de ces opérations de communication séduisantes destinées à ériger l'Amérique en tant que modèle universel. Ce n'était pas la première, ni la dernière.