Capitaine Alatriste
Espagne, XVIIe siècle. Comme on le dira de l’empire britannique plus tard, le soleil ne se couche jamais sur l’empire espagnol. À Madrid, le faste de l’aristocratie n’a d’égal que la pauvreté du peuple. Le capitaine Diego Alatriste (Viggo Mortensen, admirable et maniant à la perfection la langue de Cervantes), courageux mercenaire et soldat au service de sa majesté le roi Philippe IV, refuse d’exécuter sa mission : assassiner deux hommes accusés d’hérésie, dont il devine l’importance. Dès lors, Alatriste s’attire les foudres du royaume.
En adaptant une série de cinq romans d’Arturo Perez-Reverte, le réalisateur Agustín Díaz Yanes (Sans nouvelles de Dieu) s’attaquait à un monument de la littérature populaire espagnole, récit historique foisonnant de personnages et d’intrigues. Et le visionnage de ce Capitaine Alatriste permet de comprendre toute la difficulté d’une telle entreprise : réussir la reconstitution historique ainsi que l’adaptation des romans en scénario efficace, deux gageures parmi les plus ardues au cinéma.
Force est de constater que si le premier pari est accompli, le second l’est beaucoup moins, le long métrage manquant cruellement de point de vue. Ainsi, les récits s’enchevêtrent sans grande fluidité, assemblés par un montage trop abrupt qui perdra en cours de route les spectateurs les moins au fait des subtilités historiques. Trop long, manquant de rythme et confus, Capitaine Alatriste déçoit d’autant plus qu’il avait toutes les clefs en main pour être un grand film, qu’il soit d’aventure, de guerre, historique ou romanesque.
Cette accumulation des genres trahit en effet le problème de choix auquel a été confronté le metteur en scène et scénariste. À trop vouloir être exhaustif et précis dans son travail de reconstitution, il a négligé le plus important : suivre la destinée de ses personnages et travailler leurs émotions. Au lieu de cela, cette superproduction ibérique dotée de 24 millions d’euros, pourtant somptueusement mise en scène et parfaitement interprétée (Viggo Mortensen, imposant et minéral), est piégée par son matériau d’origine et ne raconte hélas pas grand‑chose. Un vrai plaisir pour les yeux, que l’on aurait aimé aimer.