Bruegel, le moulin et la croix
D’emblée, la démarche est aussi originale qu’ambitieuse : porter à l’écran Le portement de croix (1564) de Bruegel l’Ancien.
Le peintre (Rutger Hauer), lui‑même témoin de son temps, est convié à exprimer son parti pris, l’un des seuls dialogues du film d’ailleurs, avant que Marie (Charlotte Rampling), mère inconsolable de Jésus crucifié, n’obtienne à son tour le droit de parole, lequel associe l’art à son essence divine.
Car à travers cette étude esthétique transposée à l’écran, les questions d’ordre pictural, le point de vue du peintre, le souci de l’actualisation d’une époque et de la recomposition biblique demeurent fondamentales. Le chemin de croix du Christ, brutalement anachronique parce qu’il se déroule au XVIe siècle au milieu de paysans triviaux et de milices espagnoles, démontre l’intention pédagogue du peintre, « La démarche de Bruegel consiste à utiliser la situation politique immédiate pour faire comprendre l’histoire du Messie et non pas de prendre l’histoire du Christ pour condamner les exactions espagnoles ».
Le moulin, métaphore surplombante d’un Dieu qui broie les destinées, s’anime en 3D tandis que cinq cents personnages en chair et en mouvement se mettent à défier leur fixité originelle. Une conversion expérimentale du troisième art, audacieuse et sublime.