par Émilien Villeroy
18 mars 2025 - 15h23

Bref 2

année
2025
Créateurs
InterprètesKyan Khojandi, Laura Felpin, Baptiste Lecaplain, Mikaël Alhawi, Bérengère Krief
plateforme
genre
disponibilité
14/02/2025
notes
critique
3.5
10
A

Treize ans après la fin de sa première saison sur Canal+, c'est un retour surprise qu'effectue Bref, la série de Kyan Khojandi et Bruno Muschio, cette fois‑ci sur Disney+. Une décennie d'absence qui permet à la série de faire le point sur la petite vie de son personnage principal, « Je », et de sa bande de potes maintenant que la quarantaine est venue avec ses gros sabots. C'est d'ailleurs exactement là que la série commence : récemment largué par celle qu'il voyait déjà comme la femme de sa vie, notre protagoniste fête seul ses 40 ans, au fond du gouffre, sans travail, sans perspectives et vivant dans un appartement trop cher. Pour tenir, il accueille l'ex d'un ami comme colocataire, se fait pistonner par son frère pour trouver du boulot et essaie de devenir une meilleure version de lui‑même. Un chemin qui ne va pas être sans embûches.

 

Une saison façon thérapie comique pour quarantaines

Délaissant pour l'occasion le format court et effréné de 2 minutes qui avait fait son succès à l'époque, ce nouveau chapitre rebat les cartes en proposant non seulement un rythme plus si bref de 6 épisodes d'une demi‑heure environ, mais également un budget bien plus conséquent, délaissant clairement l'aspect bricolo des premiers épisodes pour s'offrir une série prestige remplie d'effets visuels, avec pléthore de guest stars (Jonathan Cohen, Alexandre Astier, Jean‑Paul Rouvre…). Il faut dire que les ambitions ne sont plus tout à fait les mêmes depuis 2011 : là où Bref était à l'époque une pastille frénétique qui voulait dépeindre avec dérision le quotidien chaotique de vingtenaires paumés, cette nouvelle saison relâche le rythme, prend le temps d'ancrer son humour nerveux dans des thématiques plus matures. Et si Bref a toujours voulu se faire l'écho des anxiétés de sa génération, celles-ci nous plongent désormais au cœur d'une pure crise de la quarantaine aux thématiques plus graves, où se croisent parentalité, mortalité, masculinité, doutes existentiels ou incapacité à créer des relations durables.

 

Le personnage principal, toujours interprété par Kyan Khojandi, est en cela l'anti‑héros parfait pour venir gratter toutes ces questions qui font mal : narcissique, toxique, indécis, imbu de sa personne, il porte en lui nombre de défauts universels qu'il va tenter tant bien que mal d'atténuer au fur et à mesure de cette saison construite à la manière d'une thérapie comique. Pas étonnant qu'une partie du public ait donc massivement répondu présent dès le début de la diffusion, s'identifiant aux doutes et angoisses de ces personnages et faisant de Bref 2 une sorte de moment collectif où une génération fait le point avec elle‑même et s'interroge sur le chemin qu'elle a parcouru.

 

 

Une accumulation de banalités et d'images creuses

Mais derrière l'avalanche de bonnes intentions, aussi salutaires puissent‑elles être pour une partie de son public (tant mieux si cela peut lancer des discussions !), Bref 2 fait surtout l'effet d'un pétard mouillé, faisant preuve d'une lourdeur de chaque instant dans ce qui ressemble à une grande accumulation de banalités et d'images creuses au service d'un humour usé. D'un bout à l'autre, la série s'obstine à croire qu'elle porte un regard profond et décalé sur ses sujets clés, là où elle ne fait que les survoler pour en tirer des leçons de vie qui tiennent sur un timbre, en espérant que le public dira « ah ouais, c'est trop vrai » face à ce flot de platitudes. Évidemment, et c'est sans doute le grand thème de cette saison, on peut louer la façon dont la série interroge les ressorts les plus sombres, manipulateurs et toxiques de la masculinité, et particulièrement cette majorité d'hommes persuadés d'être « des gentils incompris » alors qu'ils sont en vérité égoïstes, manipulateurs et mous. Mais faut‑il que le niveau d'exigence soit au niveau du sol pour que l'on puisse se contenter d'une déconstruction aussi basique en pensant offrir une quelconque révélation. Bref veut dépeindre des crises existentielles et des prises de conscience, mais ses personnages sont des façades, de simples outils pour des interrogations puériles (voir cette séquence complaisante sur la parentalité avec le personnage de Baptiste, passé de glandeur à « super papa » pour en faire le symbole des « amis qui ont réussi leur vie » sans jamais gratter un peu derrière ce vernis). Une succession de clichés qui n'aboutissent qu'à des conclusions éculées : six épisodes pour expliquer que dans la vie, il faut être honnête et dire ce qu'on a sur le cœur. Franchement, il y a des dessins animés pour enfants qui y arrivent plus rapidement.

 

Bien sûr, on pourra arguer que Bref n'est qu'une série comique qui cherche principalement à divertir tout en faisant réfléchir. Mais ce serait masquer la prétention très réelle qui suinte à chaque épisode, et ce mouvement incessant où l'humour est soudainement interrompu par une séquence plus sombre, comme pour dire « fini de rire ». C'est le paradoxe : d'un côté, une narration par voix off gorgée d'ironie et un rythme fait de gags visuels rapides, de l'autre, une série aux épisodes plus longs qui tente de faire de la place à l'émotion. Mais dans les faits, Bref est aussi superficielle qu'en 2011. Cela se voit simplement beaucoup plus sur 35 minutes que sur 2.

 

 

Pauvreté de l'imaginaire

Quant à l'humour en lui‑même, il est très inégal. Si certains dialogues peuvent contenir quelques réparties truculentes et une belle énergie entre les personnages (surtout quand toute la bande de la saison 1 est réunie), l'humour de Bref passe encore et toujours par des métaphores visuelles absurdes qui ont tendance à s'éterniser inutilement : que ce soit la fausse pub du Malaccompagnax 3000 (un bon gag de 30 secondes chez les Nuls en 1992, un moteur narratif lourdingue qui dure tout un épisode chez Bref) ou cette séquence interminable de l'académie des tontons, la série multiplie les séquences fantaisistes absurdes de ce type, provoquant plus souvent la gêne que le rire et donnant l'impression de stagner encore et toujours dans l'humour des vieilles séries américaines des années 2000 comme Scrubs.

 

Pire, ces séquences sont généralement marquées par une véritable laideur esthétique, le bon goût n'ayant apparemment pas reçu une majoration similaire au budget de cette deuxième saison. Effets digitaux franchement moches, séquences sur fond vert lisses au possible et qui donnent l'impression de regarder des vidéos humoristiques sur Youtube, inventivité visuelle plus proche d'une pub Coca‑Cola que de Michel Gondry… Ce sont des images bien insipides dont Bref nous abreuve, à commencer par cette fascination pour montrer des voitures imaginaires comme symboles des couples que le protagoniste forme avec différentes filles, qui roulent sur des routes colorées hideuses. À un autre moment, c'est une maladie grave qui est représentée comme une espèce de guerre de science‑fiction à la Starship Trooper sur une planète désolée. Un choix qui, en plus de faire l'autruche sur le sujet de la maladie en faisant une fois encore des métaphores inutiles et poussives, nous montre toute la pauvreté de l'imaginaire de Bref, bloqué dans des clichés issus des années 90, donnant à la série l'impression d'être sorti de la tête d'un « adulte qui est resté un grand enfant ». Une impression confirmée par l'histoire même de la série, notre héros devenant brocanteur de vieux jouets de sa jeunesse (embarras terrible quand il entre dans un magasin rempli de vieilleries en plastique et lâche « c'était le plus bel endroit au monde »). Peut‑être qu'il aurait fallu s'attarder plutôt sur cela : cette incapacité chronique à évoluer, cette lente fossilisation de l'esprit qui touche les Millenials, englués dans la célébration sans fin d'un passé magnifié.


Des idées, Bref continue d'en déborder et c'est tout à l'honneur de ses créateurs d'avoir réussi à garder cette énergie après toutes ces années. Mais quand se termine Bref 2, on a surtout l'impression d'avoir brassé de l'air plutôt que d'avoir réellement raconté quelque chose de profond. Ne reste plus qu'une crainte maintenant, celle d'une saison 3 qui sortirait dans treize ans. On peut déjà imaginer les blagues sur la libido en berne, les copains qui ne veulent plus boire des coups ou la prise de conscience de ce qu'est la ménopause par notre héros…

sur les réseaux
proposer une vidéo
en plus
soutenir
Recevez l’actualité tech et culture sur la Newsletter cesar
Inscrivez-vous
OK
Non merci, je suis déjà inscrit !