Brand New Cherry Flavor
Dans les années 90, la cinéaste brésilienne Lisa Nova (Rosa Salazar), forte d'avoir créé un court métrage très marquant, arrive à Los Angeles avec l'espoir de réaliser son premier film. Elle attire vite l'attention de Lou Burke (Eric Lange), un producteur un peu sur le retour mais très impressionné par la première œuvre de Nova. Un contrat est rapidement signé, mais Burke manœuvre, en fait, pour voler son œuvre à Lisa et la confier à un réalisateur plus connu. Assommée par la nouvelle, Lisa rencontre dans un magasin une femme étrange, Boro (Catherine Keener), qui affirme être une sorcière et propose à la metteuse en scène de se venger en lançant une malédiction sur Burke. Lisa accepte. Elle n'aurait (vraiment) pas dû…
Brand New Cherry Flavor, c'est une série hors normes que les scénaristes Lenore Zion (Channel Zero, Ray Donovan) et Nick Antosca (The Act) ont développée pour Netflix. En dépit de son titre souriant, Brand New Cherry Flavor libère au fil de huit épisodes une hypnotisante atmosphère vénéneuse campée dans un Hollywood devenu une antichambre de l'enfer.
L'œuvre s'avère très marquée par une cinéphilie hybride. La peinture d'un Hollywood aux frontières d'un autre monde rappellera évidemment le Mulholland Drive de David Lynch. Beaucoup de péripéties, qu'on ne gâchera pas en révélant qu'elles ont une texture particulièrement « organique », convoquent une esthétique faisant immanquablement songer à David Cronenberg. Le traitement photographique avec de violents aplats de couleurs conjurera quant à lui les sortilèges du Suspiria de Dario Argento.
En dépit de ces prestigieuses influences, Brand New Cherry Flavor parvient à développer un élixir à forte personnalité en jonglant constamment entre inquiétude, horreur et humour absurde, tendance sardonique. Le trio d'acteur principaux est particulièrement impliqué chacun à sa manière : Rosa Salazar profite de son physique étrange pour composer une « héroïne » flippante qui cache de très noirs secrets. Catherine Keener façonne quant à elle une marquante figure méphisphélique pateline. Mais la vraie performance ‑s'il faut en distinguer une‑ est donnée par Eric Lange. Ce spécialiste de modestes seconds rôles (Narcos, Perry Mason) dévoile ici un puissant et polymorphe don d'acteur qui devrait lui valoir pas mal de contrats à l'avenir.
Tel un maléfice, Brand New Cherry Favor entraîne le spectateur dans un cauchemar de plus en plus sinistre, de plus en plus barré. Et de plus en plus envoûtant.
Ainsi ensorcelé, on pourra dès lors aborder l'ultime épisode de cette série de deux manières différentes. Soit accepter les nombreux non‑dits et laisser son imagination de spectateur combler les trous ou espérer une possible saison 2. Soit avoir l'impression que les scénaristes Zion et Antosca ont dû un peu trop abruptement mettre fin à leur histoire, au risque de laisser pas mal d'impasses regrettables en raison d'un manque de temps/d'argent pour développer convenablement un ou deux épisodes supplémentaires. Pour être honnête, l'auteur de ces lignes fait plutôt partie de la seconde équipe. Mais en dépit de cette vraie frustration finale, on ne peut que s'incliner devant la maléfique et robuste originalité de cette série.