Boy Meets Girl
Paris by night. Un jeune homme, Alex, est seul. Son amoureuse l’a quitté. Demain, il part pour le service militaire. Mais il aspire à d’autres choses, plus grandes que lui. Il veut créer, être cinéaste, mais ne sait faire qu’une chose : trouver les titres des films qu’il tournera. Cette nuit‑là, il rencontre une jeune femme, un peu comme lui. Mireille. Elle aussi souffre d’un chagrin d’amour, de la solitude.
Leos Carax est sans doute le cinéaste le plus intrigant et mystérieux qu’ait engendré le cinéma français. Ses films (quatre longs métrages et quatre courts en trente ans de carrière) le sont tout autant. Premier long métrage et ouverture de la trilogie non préméditée dite « des Alex », Boy Meets Girl ne se raconte pas. Même le résumé ci‑dessus n’en est qu’un pitch grossier, tant le film de Carax ne peut se définir qu’en le vivant.
Cinéma sensoriel aux atours expressionnistes d’une beauté enivrante, mais dénué de toute logique narrative, l’œuvre de Carax s’érige contre le raisonnable, se vit comme un rêve d’une nuit. Leos Carax, admiratif de Godard, connu pour son mutisme légendaire, rend hommage au cinéma qu’il aime, celui du muet. Alex, interprété par son acteur fétiche, Denis Lavant, est son double (Leos Carax s’appelle en réalité Alexandre Oscar Dupont), mais pas son reflet dans le miroir, car c’est un autiste bavard. Ainsi, Boy Meets Girl est à la fois une succession d’images oniriques dans un Paris ensorcelant, et un long soliloque d'un personnage tourné vers lui‑même. Une ode à la légèreté de l’être, et une déclaration d’amour brûlante et urgente comme celle d’un adolescent, faite à une femme au teint de porcelaine (Mireille Perrier préfigure Juliette Binoche, future compagne du cinéaste).
Cryptique et sensitif comme peut l’être Inland Empire de David Lynch, Boy Meets Girl ne se laisse pas apprivoiser facilement, agace aussi parfois par ses lenteurs, ses tics, ses poses outrancières, l’excès de poésie et le jeu de ses acteurs, ses symboles, énigmatiques ou pas tant que ça. Quoi qu’il en soit, c’est une étonnante expérience charnelle et plastique comme on n’en fait guère.