Boss Level
Retraité des forces spéciales, Roy Pulver (Frank Grillo) vit un enfer. Piégé dans une boucle temporelle, il se réveille chaque matin au même instant et doit tenter de survivre à une horde d’assassins hystériques cherchant à le mettre en pièces. Chaque jour, Pulver meurt puis ressuscite. Comment peut‑il mettre fin à ce cauchemar récurrent ? En s’améliorant trépas après trépas jusqu’à trouver et neutraliser Ventor (Mel Gibson), le mystérieux chef des tueurs ? À moins qu'il ne lui faille plutôt protéger son ex‑femme Jemma (Naomi Watts) et leur fils (Rio Grillo), longtemps délaissés pour picoler et draguer des filles ?
On l’aura compris à la lecture du pitch : Boss level est une variation riche en hémoglobine du classique Un jour sans fin ou encore du plus récent Edge of Tomorrow. Le film, vieux projet du réalisateur Joe Carnahan (Le territoire des loups, L’agence tous risques) et du trop rare Frank Grillo (Warrior, Kingdom), a le mérite de s'amuser sans complexe de son ultra‑violence avec un second degré assumé. On peut aussi lui donner acte du fait qu’il tente de muscler son propos avec des thématiques plus denses (relation père‑fils de Pulver, culpabilité du même), aptes à rendre sympathique un Pulver dans le fond plutôt minable.
Mais jouer sans dérapage du gore et d’une ironie de chaque instant n’est pas chose aisée et requiert un équilibre paradoxalement délicat, un badinage auquel, par exemple, le premier Deadpool excellait. Boss Level, mené par l'énergie frénético/hystérique de Joe Carnahan, ne s’y montre pas le plus à l’aise. Le film n’assume en effet pas totalement son postulat initial d’ultra‑violence « drôle » et surligne tous ses effets à travers notamment un exaspérant habillage vidéoludique daté. Chaque tentative de survie de Pulver est ainsi composée comme une « vie » de jeu vidéo, un traitement visuel lourdingue ‑voire un peu ringard‑ qui désamorce beaucoup des souriants efforts d'un Frank Grillo, pourtant toujours à fond.
D’autre part, les thématiques plus concernantes sur la psychologie de Pulver ‑appelées à nourrir un propos sinon un peu vain‑ sont soit juste esquissées (culpabilité vis‑à‑vis de sa famille), soit matraquées sans nuance (le « rattrapage » de Pulver avec son fils délaissé). Enfin, les seconds rôles ne sont pas traités de manière égale : si Naomi Watts ‑énorme luxe de cette modeste production‑ instille beaucoup d’émotion lors des quelques scènes qui sont siennes, il n’en va pas de même de Mel Gibson. L’ex‑star n’est, pour l’essentiel, traitée que comme une utilité grimaçante à l’exception d’une mince scène de monologue bien jouée par Gibson mais complètement superflue dans l’histoire.
Boss Level reste malgré tout un délassement plutôt amusant et bien troussé au regard de son budget minime. Mais quitte à reprendre le champ lexical du jeu vidéo si prisé par Joe Carnahan ‑à la fois réalisateur et scénariste‑ on peut s’agacer qu’il joue sa partition en niveau « facile » alors qu’elle méritait mieux.