Bonobos
En marge de nombre de documentaires animaliers à la narration « classique » mais somme toute passionnants (voir les magnifiques docs de BBC Earth, comme Life ou Madagascar, le monde perdu, pour s'en convaincre), éclosent d'autres projets à la forme moins conventionnelle, mêlant prises de vues réelles et mise en scène. Mais l'art du docufiction, car c'est ce dont il s'agit, est un exercice délicat. Confusion des genres, reconstitutions grossières ou approximatives : les éléments fictionnels incorporés au documentaire doivent se justifier, sous peine de perdre le spectateur.
En parallèle, un autre procédé, et pas des plus habiles, se greffe à certains de ces docs s'adressant ouvertement au jeune public : ériger en « héros » l'un des animaux du film et lui prêter une pensée, une conscience humaine, via un monologue intérieur (déclamé par un comédien de doublage). Une voix off qui servira de fil rouge, l'histoire racontée s'appuyant ainsi sur un « personnage » central à la manière d'un dessin animé. Pour sensibiliser, toucher le spectateur au cœur, l'approche se veut anthropomorphique, comme l'a fait récemment Disneynature avec Chimpanzés. Comme si la valeur de l'animal ne dépendait que des similitudes qu'il entretient avec l'homme.
Il en est donc ainsi dans Bonobos d'Alain Tixier (qui a notamment œuvré pour Ushuaïa nature), qui s'intéresse à cette espèce de grands singes en danger vivant exclusivement en République démocratique du Congo. On y suit le destin de Béni, petit bonobo capturé par les hommes après que ceux‑ci ont abattu sa maman, puis sauvé du trafic par Claudine André, créatrice du sanctuaire Lola Ya Bonobo. Littéralement « paradis des bonobos », le lieu accueille et soigne les singes blessés, traumatisés, avant le nécessaire retour de certains individus dans leur milieu naturel, pour cause de saturation.
Cet éden, tenu par une équipe visiblement très investie, est une véritable gageure, et le travail de Claudine André ne peut qu'être félicité, celle‑ci ne négligeant pas les aspects périphériques permettant de pérenniser ses actions (sensibilisation des enfants, implication des populations locales via des comités de développement de village). Il aurait simplement mérité un traitement moins enfantin (les paroles attribuées à Béni ne sont pas toujours très finaudes) et, surtout, moins manichéen.
Car excepté une rapide allusion à la pauvreté qui frappe la RDC, la situation terrible du pays, ravagé par la guerre, sera tue. Une mise en perspective qui apparaît pourtant indispensable pour, sinon excuser, comprendre les conditions de vie et de mort des bonobos, créatures surprenantes par leur légendaire appétit sexuel (que l'on ne voit guère ici), leurs mœurs sociales et leur intelligence remarquable. Certes incomplet et discutable, le doc, par petites touches, brosse leur portrait.