Blood Island
Trentenaire séduisante et dynamique, Hae‑Won se voit contrainte de prendre des congés après s'être comportée de manière agressive à son travail. Elle quitte donc Séoul pour Moodo, l'île où elle passait ses vacances quand elle était enfant. Elle y retrouve son amie de l'époque, Bok‑Nam, jeune mère traitée comme une moins que rien par les habitants du village. Tous la considèrent comme une traînée, prétendant ne pas connaître l'identité du père de sa petite fille. En réalité, cette dernière est l'enfant d'un viol collectif. Lasse de subir les humiliations et les violences de cette micro‑société machiste et misogyne, où les femmes elles‑mêmes approuvent la suprématie du mâle, Bok‑Nam va tenter de s'échapper de l'île…
Maladroitement retitré Blood Island pour sa sortie en vidéo, ce film sud‑coréen, connu des festivaliers sous le nom de Bedevilled (il a décroché le Grand Prix du dernier Festival de Gérardmer), parvient à mêler les genres et les thématiques avec une habileté et un dosage savant dont les cinéastes sud‑coréens semblent avoir le secret. Démarrant sous le signe de la chronique sociale relatant les déséquilibres et les souffrances de la société sud‑coréenne (opposition entre ville et monde rural, misogynie, métropoles impersonnelles face à des campagnes engoncées dans leurs traditions, mutisme face au mal), ce drame verse dans l'horreur pure dans son dernier quart, se muant en slasher pur jus. La vengeance, cathartique et sanglante, est ponctuée de réels moments de poésie, les éléments de la nature (la pluie, le vent, le soleil, les végétaux) semblant s'allier à une héroïne tentant de se libérer de ses chaînes.
Certes, comme souvent dans le cinéma de genre sud‑coréen, on assiste à une sorte de film‑somme, le metteur en scène (assistant‑réalisateur de Kim Ki‑Duk sur Samaria), qui livre ici son premier long métrage, versant souvent dans l'excès et un certain manichéisme (tous les hommes ou presque sont des pourris). Mais Blood Island, au‑delà de sa charge sociale, apparaît plus comme une allégorie à la lisière du fantastique que comme une œuvre ouvertement réaliste.
Frontal, cru, bouleversant, ce morceau de bravoure unique en son genre (car s'affranchissant justement des codes des genres abordés) s'achève en apothéose, dans l'outrance et dans la poésie.