Bliss
Malgré son prénom qui signifie félicité, Bliss (parfaite Ellen Page, héroïne de Juno), 17 ans, ne nage pas dans le bonheur, depuis que sa mère (géniale Marcia Gay Harden, The Mist) l’inscrit à tous les concours de beauté de la petite bourgade texane de Bodeen. Pas vraiment réceptive aux robes de princesse, aux jupons façon chantilly et aux discours pieux pour jeune fille bien sage, Bliss trouve son salut en tombant sur un prospectus annonçant une compétition de roller derby, ce sport de contact se pratiquant en patins à roulettes. Ni une ni deux, l’adolescente se rend à Austin, la « grande ville » où se déroulent les matchs. Et intègre rapidement une troupe de patineuses prônant le girl power, le punk et la bière en troisième mi‑temps. Rapide et agile, Bliss s’impose, apprend à être impitoyable, conquiert le cœur d’un jeune rockeur. Mais pour cela, elle doit mentir sur son âge et dissimuler sa nouvelle passion à ses parents.
Pour comprendre l’essence du premier film de l’actrice Drew Barrymore (qui s’est d'ailleurs offert le rôle de la patineuse bras cassé dans l'âme), il convient de s’intéresser au titre original. Whip it, qui signifie « fouette-moi ça » et fait référence à la technique du lasso en roller derby, en résume assez bien l’esprit, traduisant l’énergie communicatrice qui s’en dégage. Car Bliss parle d’une adolescente qui prend conscience de ses goûts, de ses envies, de son identité, et qui sort subitement de sa torpeur, entretenue par sa maman poule, en prenant les décisions qui s’imposent pour être heureuse. Au risque de blesser son entourage, d’être égoïste. Si le roller derby, à la fois agressif et fun, était la discipline idéale pour symboliser les revendications des jeunes femmes dans l’Amérique des années 2000, il s’agit avant tout d’un récit initiatique à la trame classique, pour ne pas dire rebattue (une adolescente traverse des épreuves pour comprendre qui elle est vraiment).
Sans pour autant éviter les clichés (notamment l’histoire d’amour, trop bluette) et péchant par une mise en scène trop effacée, Drew Barrymore tire pourtant son épingle du jeu, parvenant à la fois à brosser un joli portrait d’adolescente, tout en faisant honneur aux femmes trentenaires et libérées dont elle fait partie. Seconds rôles savoureux (la rebelle Juliette Lewis), bande originale ad hoc et de choc (des découvertes, comme la magnifique chanson Your Arms Around Me de Jens Lekman et des classiques comme Jolene de Dolly Parton) et ambiance de vestiaires version sexe dit « faible », la petite fille de E.T. devenue l’enfant terrible de Hollywood sait de quoi elle parle. Rafraîchissant.