Bleeder
Copenhague. Leo (Kim Bodnia) apprend que sa petite amie Louise (Rikke Louise Andersson) est enceinte. Loin d’être emballé par la perspective de devenir père, il sombre bientôt dans une spirale de violence. De son côté, son meilleur ami Lenny (Mads Mikkelsen), passionné de cinéma, bosse dans un vidéoclub, coupé des réalités et extrêmement introverti, il ne parvient à faire le premier pas vers Lea (Liv Corfixen, future Madame Refn à la ville).
Précédant sa prodigieuse carrière outre‑Atlantique amorcée avec Bronson en 2008, Nicolas Winding Refn édifiait déjà, dans son pays natal, les bases d’une esthétique de la violence. Biberonné au cinéma de genre, Lenny ‑l’alter ego du cinéaste‑ enchaîne les projections privées de Maniac (William Lustig) et autres films de genre, quand son pote Leo, perdant peu à peu le contrôle de sa vie insipide, préfère se mesurer à un personnage de fiction, le flingue braqué sur son beauf abhorré (Levino Jensen). Séquence formidable par ailleurs, qui ne se contente pas uniquement de jouer avec nos nerfs. En s’improvisant tueur, Leo ramène le cinéma au cœur de la réalité, cette mixtion des deux mondes faisant écho à ses interrogations lors de la projection de Vigilante (Lustig, 1982) : « D’où ils sortent leurs flingues ? (…) Ils ont besoin d’un flingue, il apparaît (…) Je sais bien que c’est un film (…) On dirait que tout le monde sait se servir d’un flingue. Même les gens normaux comme nous ».
Bientôt, la violence sèche et brutale vient submerger l’apparente monotonie du film, sa montée en puissance déclenche un face‑à‑face joliment mis en scène dans la pure tradition leonienne. À la question « Quels films vous ont marqué par l’intensité de leurs images ? », Refn cite Il était une fois dans l’Ouest, entre autres. Comme quoi, il n’y a pas de premier jet sans chef‑d’œuvre matriciel.
À noter, ce film est resté inédit à l'international pour des problèmes de droits jusqu'à ce que Refn puisse les racheter récemment.