Black Mirror saison 7
Qu’il est compliqué de critiquer une série avec un format si particulier que celui de l’anthologie. Encore plus quand il s’agit d’un show aussi culte et attendu au tournant que Black Mirror. D’autant que cette saison 7, pleine et composée de 6 épisodes, arrive dans un contexte bien particulier où elle doit encore davantage briller pour se démarquer.
Elle est loin l’année 2011, où la série de Charlie Brooker, alors diffusée sur Channel 4 et non Netflix, venait révolutionner, surprendre, inquiéter et déranger. En 2025, au‑delà d’avoir pu poser les yeux sur bien des séries de qualité traitant de dérives de la technologie, nous nous sommes probablement habitués à bien des folies dans ce domaine. D’autant que certaines prédictions se sont depuis plus ou moins réalisées. On ne pourra pas jeter la pierre à Brooker, toujours à l’écriture ici, de peut‑être être arrivé au bout de ses idées tant la réalité semble nous rattraper.

Épisode Hotel Reverie © Nick Wall / Netflix
Une saison en dents de Si
En témoignent d’ailleurs spécifiquement deux épisodes de cette saison. Si certains épisodes passés faisaient parfois référence à d’autres, ici, De simples jouets se déroule dans le même univers que celui de l’épisode interactif Bandersnatch, et surtout USS Callister : Into Infinity est pour la première fois une suite directe de l’épisode USS Callister de la saison 4. Dans l’absolu, « tricher » dans une série d’anthologie en liant des épisodes n’est pas un problème, à condition cependant de proposer quelque chose d’intéressant et de pertinent.
Si De simples jouets y parvient plutôt bien malgré une fin qui pourrait frustrer, avec un propos inédit et un Peter Capaldi en grande forme, on ne peut pas en dire autant de USS Callister : Into Infinity. Malgré sa longueur certaine d’1h30, l’épisode ne raconte rien de véritablement neuf par rapport au premier épisode, plus efficace. Cette suite est d’ailleurs le parfait représentant d’une grande partie de cette saison : un sympathique divertissement bien réalisé et joué qui se regarde aisément, mais souvent loin des moments les plus mémorables de la série.
L’épisode Des gens ordinaires aurait d’ailleurs pu s’appeler Un épisode ordinaire tant il dénonce, avec une intrigue au déroulé spécialement cousu de fil blanc, quelque chose de désormais bien ancré dans notre quotidien : les forfaits premium et les abus qui peuvent en découler. On pourrait d’ailleurs y voir une critique en sous‑marin de Streamberry (pardon, Netflix), mais probablement pas. On sauvera malgré tout le couple aussi commun qu’attachant incarné par Rashida Jones et Chris O’Dowd, qui permet à Black Mirror de lier récit profondément humain et technologie comme elle a déjà su bien le faire.

Épisode Eulogy © Nick Wall / Netflix
Have You Tried Turning It Off And On Again ?
Si aucun des épisodes mentionnés jusqu’à présent (ainsi que Bête noire, le plus faible du lot) n’est foncièrement mauvais, on signalera qu’Hotel Reverie et surtout Eulogie viennent tout de même relever le niveau. L’explication est simple : les histoires racontées délaissent un peu la Tech (quitte à être un peu redondantes et pas toujours crédibles dans leurs explications) au profit d’histoires humaines poignantes qui permettent un peu de souffler et de pleurer.
Peut‑être pas aussi marquant qu’un certain San Junipero mentionné à de multiples reprises dans cette saison 7, Hotel Reverie est un épisode qui parvient cependant à toucher avec son histoire romantique entre les personnages des brillantes Issa Rae et Emma Corrin. Cette histoire profite d’une formidable mise en scène, à l’instar d'Eulogie et de son intrigue qui explore avec brio des thématiques comme le passé, la mémoire et le deuil. Aujourd’hui, Black Mirror brille autant quand elle vient angoisser avec une technologie déprimante, que quand elle raconte de belles histoires (parfois déprimantes malgré tout) permises par cette dernière.
Si cette saison 7 n’est pas au niveau des meilleures dans son ensemble, elle reste plus solide que certaines en évitant les sorties de route et grâce à quelques épisodes qui fonctionnent réellement. On relèvera également une variété salutaire dans le ton, les histoires racontées se déroulant et se terminant toutes de manières assez différentes. D’anticipation glaçante et maligne avant tout, le show est désormais davantage un « simple » reflet tristement crédible des dérives humaines et technologiques qui sont déjà là ou presque, et où tomber amoureux d’une intelligence artificielle ou dépendre d’un implant cérébral n’est plus de la science‑fiction. Une évolution probablement inévitable, qui permet à Netflix de malgré tout continuer à proposer une série qui mérite d’être vue.