Baraka
Dans les années 60, un genre, le mondo, faisait son apparition, brouillant les frontières entre cinéma et documentaire. Mais, exploitation oblige, les images de bout du monde étaient surtout prétexte à verser dans le sensationnalisme, voire dans le voyeurisme et la violence pour les plus extrêmes d'entre eux. Ce montage de séquences parfois mises en scène avait pour objectif de produire un effet choc sur le spectateur.
Bien que la démarche semble similaire avec Baraka ‑concevoir un film à partir d'images réelles et créer un sens grâce au montage‑, c'est l'effet inverse que le réalisateur Ron Fricke obtient : proposer un trip transcendantal glorifiant la beauté de la Terre, l'universalité de la spiritualité malgré les différences de nationalité ou de religion. C'est donc l'essentiel de la vie de chaque être humain, et même de chaque être vivant, qui est résumé dans ce film inclassable : la vie, la mort, la contemplation, le rapport avec Mère Nature, mais aussi l'injustice géographique (Fricke montre la pauvreté extrême, la pénibilité du travail à la chaîne, la condition terrible d'enfants SDF).
Œuvre qui a inspiré bon nombre de cinéastes ‑Terrence Malick et son The Tree of Life en tête‑, Baraka n'est pas un pamphlet engagé au sens strict du terme (comme l'a fait Nicolas Hulot, de la même manière, avec son Syndrome du Titanic), mais une élégie lente et majestueuse, dépourvue de narration, brossant un portrait de la Terre que nous foulons tous. Une méditation jamais moralisatrice qui rappelle, vingt ans après sa conception, la fragilité d'un monde plus que jamais malmené.