Bac Nord
Greg (Gilles Lellouche), Yassine (Karim Leklou) et Antoine (François Civil) sont collègues à la Bac Nord de Marseille. Greg s'interroge de plus en plus crûment sur l'efficacité et même l'utilité de son travail. Yassine, lui, est focalisé sur la naissance prochaine de l'enfant qu'il va avoir avec sa compagne Nora (Adèle Exarchopoulos), elle aussi policière. Le jeune Antoine est peut‑être le moins brillant des trois mais, force tranquille, il a su nouer une relation privilégiée avec une jeune trafiquante, Amel (Kenza Fortas). C'est grâce à cette dernière que le trio va apprendre l'arrivée d'un très gros chargement de drogue dans un quartier mis en coupe réglée par les narcotrafiquants. Soit pile le genre d'affaire à même de satisfaire le Préfet qui exige de ses troupes un coup d'éclat…
Une modernité nerveuse
Porté par une affaire réelle survenue en 2012, Cédric Jimenez (HHhH, Aux yeux de tous) signe avec Bac Nord le meilleur polar de 2021. Filmé à hauteur d'homme avec une modernité nerveuse, parfois même asphyxiante (l'opération dans la cité), le film est une œuvre à fort tempérament charpentée par un casting exceptionnel.
Tous, des rôles principaux aux plus modestes protagonistes, confèrent réalisme et émotions fortes à leur personnage. Gilles Lellouche excelle d'ailleurs à ce jeu‑là en créant un héros un peu mariole dont les béances intimes vont aller croissant. Mais s'il faut distinguer un des interprètes du film, la prime ira, selon nous, à François Civil. Ce dernier, qui interprète un personnage guère à l'aise avec les mots, se structure devant les caméras par une présence physique à forte amplitude et des routines quotidiennes qui expriment bien la trempe intime d'Antoine.
Étrange absence de récompense pour Bac Nord aux César
Certains mouvements politiques ont voulu voir dans Bac Nord un quasi‑reportage sur des quartiers de Marseille, abandonnés aux malfrats. Cette claire instrumentalisation d'une œuvre qui n'en méritait pas tant a lésé le film durant la majeure partie de son existence en salles. Et jusqu'à l'étrange absence d'une quelconque récompense pour Bac Nord aux César, hors un tardif César des lycéens.
La chose paraît d'autant plus injuste que le portrait de zones de non‑droit, certes frappant, n'était clairement pas le projet principal de Cédric Jimenez. Grâce à une approche honnête et quasi‑documentaire qui ne voile aucune des petites magouilles des personnages, Jimenez s'est plutôt focalisé sur un trio tentant contre vents et marées d'accomplir sa mission dans des circonstances hostiles et avec des moyens dérisoires.
Malgré les polémiques, en dépit de l'indifférence des César, le grand public ne s'y est pas trompé. Bac Nord, récit intelligent et robuste modernisation du polar à la française, a rassemblé en salles plus de 2 millions de spectateurs. On est prêt à parier qu'en version 4K et Blu‑Ray et, plus tard sur les plateformes de streaming, Bac Nord rencontrera le puissant succès qu'il mérite.