Amy
Après Senna en 2010, Asif Kapadia livre sa vision de la chute d'une étoile, d'une jazz woman de la trempe de Billie Holiday ou Aretha Franklin (ce sont les mots de Tony Bennett) pour qui tout est allé trop vite, beaucoup trop vite.
Reposant uniquement sur un savant montage de films et de photos en majorité privés ou inédits, commentés en voix off par tous ceux qui ont côtoyé Amy Winehouse, les bonnes influences (ses amies d'enfance, son premier manager, son plus proche garde du corps) comme les mauvaises (son père qu'elle adulait, son mari, son dernier producteur), Amy est un documentaire hors normes, à la fois captivant et terriblement renversant. Des images gênantes et presque moqueuses qu'il nous restait en mémoire des simulacres de concerts au cours desquels la chanteuse, complètement ivre, peinait à tenir debout, on découvre l'envers du décor, la mécanique implacable et morbide qui l'a réellement poussée à saboter sa dernière tournée en refusant de chanter devant les milliers de personnes venues l'écouter.
Il faut bien sûr remonter à l'enfance pour trouver les racines du Mal : des parents idolâtrés et aimants mais absents et dépassés, une âme forte coincée dans un corps qu'elle n'aura de cesse de maltraiter en y injectant les substances les plus nocives, une boulimie extrême jamais prise au sérieux et une émancipation précoce à l'heure des premiers succès. Des mauvaises rencontres, il y en aura aussi au cœur d'un star‑système qui finira par la broyer.
Tant de talent et de beauté gâchés, tant de mal‑être, d'appels au secours ignorés, de dernières chances balayées. Entre sang et larmes, Amy nous laisse KO.