Amour
Grand chelem pour Michael Haneke qui, après la Palme d'Or et le César du meilleur film, remporte celui de l'Oscar du meilleur film étranger (même si celui du meilleur film tout court lui a échappé), tandis que ses comédiens Jean‑Louis Trintignant et Emmanuelle Riva sont eux aussi couverts d'honneurs. Au‑delà d'un consensus critique qui pourrait agacer, ce triomphe est symptomatique de l'universalité du film et de son thème. Le cinéma d'Haneke montre avec la froideur de l'observateur objectif ce que l'on ne veut pas voir. Ici, c'est donc le drame ordinaire d'un couple confronté à la vieillesse qui cristallise finalement les craintes de toutes et tous : la réalité de notre propre mortalité et celle de ceux que nous aimons.
En appelant son film « Amour », le réalisateur autrichien prend à revers la convention cinématographique qui veut que ce soit la genèse d'une histoire d'amour qui fait les plus beaux récits romanesques. Pourtant, les vraies démonstrations d'amour sont celles qui durent, qui exigent du sacrifice, de l'abnégation. C'est tout le propos du film qui, par une mise en scène sobre et distanciée, traduit la solitude, la tristesse mais aussi le courage et l'inébranlable volonté du personnage de Trintignant (absolument génial) qui décide d'aimer jusqu'au bout, jusqu'à la fin.
Mais l'ascétisme du récit n'empêche pas Haneke de laisser l'imaginaire contaminer son cinéma. Entre une scène de cauchemar d'une simplicité follement maîtrisée digne d'un grand film d'horreur, et une fin laissant le soin au spectateur d'imaginer le sort du protagoniste masculin, Amour livre de beaux moments en suspension, avant de laisser le personnage de la fille (Isabelle Huppert) seule face au vide laissé par l'absence. La grande force du long métrage est là, dans sa façon d'exprimer avec peu de mots, d'images et de sons, des vertiges existentiels cruciaux dans notre rapport à la vie.