Adolescence
Mini‑série coup de poing. Immersion totale. Lorsqu'un ado de 13 ans est accusé de meurtre, sa famille, une psychologue clinicienne et l'inspecteur chargé de l'affaire se demandent ce qui s'est vraiment passé.
Créée par Jack Thorne (Skins) et l’acteur Stephen Graham (Boardwalk Empire), cette mini‑série est un véritable tour de force, tournée en quatre véritables plans‑séquences sans aucun raccord truqué. Un dispositif audacieux, immersif, presque suffocant.

Ce qui fâche
Et pourtant, ça ne partait pas forcément bien. Dès la scène d’ouverture, neuf camions de police, l'équivalent d'un équipage du Raid mobilisé pour arrêter un gamin de 13 ans. Même soupçonné de meurtre, on se dit que la police britannique ‑ou le scénariste‑ fait du zèle. Plus étrange encore : personne ne demande jamais qui a été tué, ni pendant l’arrestation, ni plus tard au commissariat. Ce silence, jusqu’à la fin de l’épisode, sonne faux. Tout comme ce flic, archétype du mâle gavé de testostérone, capable de battre Schwarzenegger dans un concours de développé couché mais pas de rattraper plus tard un ado qui lui file sous le nez. Son incompétence est flagrante : il n’interroge jamais la bonne personne au bon moment. On grimace encore une fois, tout en faisant un parallèle avec des adultes finalement toujours en difficulté face à ces enfants, que ce soit la police, la psy, le corps enseignant ou bien les parents.
Ce qu'il faut retenir
Mais il suffit de quelques gros plans sur Stephen Graham, bouleversant dans le rôle du père, pour que tout bascule. Figure paternelle en pleine implosion, incapable de montrer son affection, il ancre le récit dans une vérité émotionnelle brutale. Épisode 1 : le déni, la sidération. Épisode 2 : le vernis craque, les apparences s’estompent, et la vérité ‑ou plutôt la distorsion des réseaux sociaux‑ commence à émerger. Épisode 3 : le plus puissant, un face‑à‑face intense, huis clos de 52 minutes entre Jamie (extraordinaire Owen Cooper) et une psychologue clinicienne, incarnée par la formidable Erin Doherty (connue pour avoir campé la princesse Anne dans The Crown). L’irrationnel adolescent se fracasse contre la raison, le choc est effroyable. On assiste au désarroi d’un jeune en construction, en quête de repères, de masculinité, en pleine crise identitaire. Il tente de comprendre ce qu’on attend de lui ‑famille, amis, société, réseaux‑ sans jamais vraiment y parvenir. Il cherchait de l’affection, il était doué pour le dessin, pas pour le foot.

Ce qu'il faut faire
L'épisode 4 se recentre sur la famille de l'enfant dans une introspection radicale. Le père, la mère, face à l’effondrement, tentent de comprendre où et comment tout cela a dérapé. Et face au poids du regard des autres, le père semble encore plus perdu que son fils : il a tout fait pour ne pas réitérer avec ses enfants les agissements de son propre père. Stephen Graham est une fois encore immense. Christine Tremarco (la mère) est au diapason. On en ressort vidé, en se demandant si « faire sincèrement de son mieux » est suffisant dans le monde dans lequel on vit. Les origines du drame sont d'autant plus dures qu'elles sont multiples. Déchirant.
Grâce à Skins, on savait déjà que Jack Thorne saisissait comme nul autre le mal‑être adolescent. Avec Adolescence, il en capture non seulement la nature profonde, mais il l’étend aussi aux parents. Une claque. Un constat implacable qui pose finalement la question de la transmission, de la communication, de l'héritage émotionnel, de la dangerosité des réseaux sociaux quand ils ne sont pas bien utilisés, et qui peuvent avoir des conséquences dramatiques et dont les jeunes filles sont les principales victimes. Avoir 13 ans en 2025, l'enfer, c'est le regard des autres.