3 cœurs
Dans une ville de province, une nuit, Marc rencontre Sylvie, avec qui il passe une nuit à déambuler et à parler. Avant de se séparer, le couple se fixe rendez‑vous à Paris. Marc, victime d’un léger accident cardiaque, rate le moment tant attendu et tente vainement de retrouver celle dont il est tombé amoureux, en retournant dans la ville où il l’a rencontrée. Ce faisant, Marc rencontre Sophie et s’éprend d’elle… jusqu’au jour où il s’aperçoit que Sophie et Sylvie sont sœurs.
3 cœurs est une expérience étonnante. Côté pile, presque tout : un Benoît Poelvoorde (Marc) génial dans un rôle dramatique et romantique, une Charlotte Gainsbourg (Sylvie) magnifique et intense. Pour servir ces deux maestros, une histoire qui ose le romantisme et suggère le fantastique, une photographie splendide, une musique signée Bruno Coulais si décalée qu’elle en devient géniale. On part pour un grand moment de cinéma… Et sans prévenir, Benoît Jacquot, qui tirait toutes ses flèches en plein centre, perd la tête. Une atroce voix off apparaît à mi‑parcours pour souligner les évidences, faire des ellipses lourdes, lester l’émotion délicate.
Pire, le rythme s’emballe en dépit du bon sens, l’histoire s’égare sur une intrigue subalterne, livre des scènes lourdes (la caverne), fait d'incompréhensibles impasses et ne laisse aucun espace à jouer à une pointure comme Catherine Deneuve. Jacquot s’égare pile au moment où ses acteurs trouvaient leur point d’incandescence, et tel un mioche agaçant, salope un dessin qui promettait d’être si beau.
Malgré son capitaine ivre, le bateau poursuit sa route. Car Charlotte Gainsbourg et Benoît Poelvoorde sont trop forts. Elle, si prodigieuse qu’elle habite la moindre image, même celles où elle n'apparaît pas, comme une persistance rétinienne quasi magique. Lui, si touchant et si humain qu’on ressent les moindres crispations, la plus infime palpitation de son cœur malade d’amour et malade tout court. Ce duo‑là nous transporte. Jusqu’au bout.