Pour les amateurs de fantastique et de SF, Universal constitue le terreau du genre. C’est dans ce studio que naîtront la plupart des mythes du cinéma fantastique, de Dracula à la Momie en passant par Frankenstein et le Loup‑Garou. D’autres compagnies lui emboîteront le pas (Hammer notamment, qui permettra à tous ces « personnages » de retrouver un second souffle en Angleterre), mais Universal reste encore aujourd’hui le studio de la science‑fiction et du fantastique, comme Warner demeure celui des polars.
Le film d'horreur est né
C’est en 1912 que Carl Laemmle fonde Universal, agrégat d’une multitude de petites sociétés de production. Il faut attendre une dizaine d’années pour que Laemmle trouve enfin la bonne voie. Cela se passe en 1923 puis 1925, alors que Lon Chaney joue dans Notre‑Dame de Paris et Le fantôme de l’opéra, deux films mélangeant des effets de terreur gothique, de peur et d’horreur, qui obtiennent un grand succès. Fort de cet engouement, Laemmle se lance dans l’adaptation à l’écran du roman de Bram Stocker : Dracula. Il fait appel à Bela Lugosi pour interpréter le comte et confie la réalisation à Tod Browning (cinéaste fétiche de Lon Chaney). À l’époque, le film fait fureur : des spectateurs s’évanouissent, d’autres quittent la salle en hurlant, le film d’horreur est né.
Tournant fantastique
Dans la foulée, Universal met en chantier les adaptations de la plupart des grandes figures de la littérature fantastique, créant sans le savoir le premier cycle cinématographique de films fantastiques. Au cours des années 30, Universal devient alors le studio spécialisé dans le genre et vogue sur le succès des « Universal Monsters », ces démons assoiffés de sang et de tripes nés des talents conjugués d’une petite équipe de cinéastes, d’acteurs et de techniciens. Boris Karloff, la créature couturée et boulonnée du docteur Frankenstein en 1931, réapparaîtra même sous les bandelettes de la momie Im‑Ho‑Tep dans le film que Karl Freund (ancien chef‑opérateur allemand) réalise en 1932 : La momie. Mais c’est Bela Lugosi qui fonda à lui seul les codes gestuels et vestimentaires du vampire au cinéma, avant que Christopher Lee n’apporte sa griffe dans les films de Fischer à la fin des années 50. Dans Ed Wood de Tim Burton, une séquence en forme d’hommage montre d’ailleurs Johnny Depp tenter d’imiter la gestuelle si caractéristique de Lugosi (Martin Landau). Tod Browning, réalisateur de Dracula, fut aussi l’un des membres fidèles de la compagnie, au même titre que James Whale, le plus prolixe d’entre tous : on lui doit l’adaptation du roman de Mary Shelley, Frankenstein, de sa suite qui surpasse l’original, La fiancée de Frankenstein en 1935, et enfin du chef‑d’œuvre de la période : L’homme Invisible.
Production diverse et variées
Compte tenu de l’importance des effets spéciaux (vendus à l’époque comme révolutionnaires), les techniciens jouèrent alors un rôle capital. On se souvient de Jack Pierce, le créateur du masque de Karloff, et plus tard, de tous les monstres de la compagnie, ou encore de John P. Fulton, responsable des effets spéciaux optiques qui mit au point la disparition de Claude Rains dans L’homme invisible. Après une production intense, le filon commence à s’épuiser et, signe de son essoufflement, tourne à la parodie. Ainsi, au cours des années 40, Frankenstein, la Momie et consorts doivent faire face au duo de nigauds Abbot et Costello. Mais il ne faut pas longtemps à Universal pour reprendre la main. Au début des années 50, le studio enfourche le cheval de la SF sous la houlette de Jack Arnold (Le météore de la nuit, L’homme qui rétrécit et L’étrange créature du lac noir).
Brèche ouverte
Depuis, Universal n’a cessé d’explorer la voie du fantastique et de l’horreur, se retrouvant ainsi toujours aux avant‑postes du genre. En 1963, le studio produit Les oiseaux d’Alfred Hitchcock, initie la vague des films catastrophes des Seventies (Airport, Tremblement de terre et Les dents de la mer), et donne au film d’anticipation écologique l’un de ses plus beaux fleurons (Silent Running, 1972) tout en révolutionnant le genre au début des années 80 avec E.T. de Steven Spielberg et la série des Retour vers le futur. Universal fut le premier studio à conférer aux effets spéciaux un rôle majeur. En 1993, il produit enfin un sommet du genre qui restera dans les annales, Jurassic Park. D'autres encore exploreront à leur manière cet univers horrifique, comme la Columbia en 1994 avec Wolf.