Tout commence en 1972. Originaire de Cleveland où il enseignera pendant quatre ans, Wes Craven débarque à New York et rencontre Sean S. Cunningham, le futur réalisateur de Vendredi 13, qui lui propose de monter une petite équipe et de réaliser un film d’horreur particulièrement terrifiant. Ainsi naîtra La dernière maison sur la gauche.
Sauvage et nauséeux
Vaguement inspiré de La source d’Ingmar Bergman (1959), ce film culte des années 70 constitue encore aujourd’hui l’une des expériences les plus violentes du cinéma B américain. Totalement débridé, filmé parfois à la manière d’un documentaire (effet de tremblé, gros grain du 16 mm), ce premier film se présente comme une rencontre entre Les chiens de paille de Peckinpah et Massacre à la tronçonneuse. Ultra‑violent, sauvage et presque nauséeux, La dernière maison sur la gauche met en scène deux adolescentes qui, à l’occasion de l’anniversaire de l’une d’elles, décident de passer la soirée en ville. Mais un petit groupe de criminels pervers et fous va les kidnapper et les torturer à mort. Un jusqu’au‑boutisme que Craven réitérera dès son second film, La colline a des yeux, dans lequel il exploite la peur typiquement américaine des grands espaces. Dans ce film, une famille sans histoire se retrouve assaillie par une bande d’autochtones dégénérés et cannibales en plein milieu d’un désert aride.
Gare à la famille trop clean
De la famille il est question dans tous les films de Wes Craven. Qu’elle apparaisse sous une forme dégénérée (La colline a des yeux), assassine et vengeresse (La dernière maison sur la gauche), castratrice (Les griffes de la nuit), absente (cf. l’hommage insistant rendu dans Scream à Halloween de Carpenter, un autre film sur l’impuissance des structures parentales) ou encore communautaire (Un vampire à Brooklyn), elle reste au cœur des préoccupations qui traversent les pamphlets fantastiques de Wes Craven.
Les pulsions couvent
Noyau dur du modèle américain qui cache sous une façade de respectabilité conservatrice des pulsions inavouables et morbides, la famille deviendra le sujet principal du Sous‑sol de la peur, le film le plus politique réalisé à ce jour par Wes Craven (1992). « Le sous‑sol de la peur est une parabole, sans aucun doute, expliquait le cinéaste à la sortie du film, et un conte de fées. Mais c’est fondé sur un fait divers que j’ai trouvé dans des journaux. J’aime l’idée qu’on découvre, dans un film, que la bourgeoisie est une classe aussi violente que les autres. Tous mes films traitent de cette découverte ». En 1984, Wes Craven ajoutera à la galerie monstreuse des créatures sanguinaires du cinéma d’horreur, Freddy, l’une de ses engeances les plus célèbres. Après avoir terrorisé le sommeil des adolescents de Elm Street, l’homme aux mains griffues et au faciès brûlé reviendra six fois avant de retrouver Craven en 1994 (Freddy sort de la nuit).
Le psychokiller
Après le deuxième volet de La colline a des yeux, Wes Craven pose à nouveau sa caméra dans une petite bourgade américaine (l’amie mortelle ou l’histoire d’une adolescente zombie qui sèmera la panique parmi les siens), livrera l’un des films les plus effrayants jamais consacrés aux rites vaudous (L’emprise des ténèbres) et partira en guerre contre le pouvoir médiatique avec Shocker. En 1995, Craven réalise son film de vampires (Un vampire à Brooklyn) en faisant d’Eddy Murphy un suceur de sang ancêtre de Blacula (« perle noire » de la blaxploitation des années 70), avant de remettre en selle avec Scream un genre moribond : le psychokiller.