Cet ex‑Monty Python a signé quelques‑uns des films les plus originaux de ces dernières décennies, à commencer par Brazil, somptueuse fresque onirique et futuriste, les délirantes Aventures du baron Münchausen ou encore L’armée des douze singes, variation diabolique de La jetée de Chris Marker. Retour sur le parcours d’un
olibrius de génie.
Dans le bain
Terry Gilliam est né à Minneapolis en 1940. Lorsqu’il a 11 ans, sa famille s’installe à Los Angeles où son père travaille comme charpentier pour un gros studio. Au collège, Gilliam s’exerce à la parodie au sein d’un magazine littéraire satirique. En 1962, il part pour New York et consacre le temps que lui laisse le City Collège, à travailler bénévolement pour un studio d’animation. C’est alors qu’il apprend les techniques de dessin, de prises de vues et de graphisme, qui lui serviront plus tard à élaborer lui‑même ses futurs story‑board.
Monty Python Flying Circus
En 1967, il part pour Londres où il débute une nouvelle carrière. D’abord illustrateur pour le Sunday Times, il vend deux sketches à l’émission comique Do Not Adjust Your Set, notamment interprétés par deux de ses futurs comparses : Eric Idle et Terry Jones. L’année 1969 marque alors la naissance du fameux groupe Monthy Python qui débute à la BBC avec un programme désopilant, Monty Python Flying Circus. En dépit des réticences des dirigeants de la chaîne, les sketches corrosifs, farfelus et délirants de la bande remportent un vif succès. Gilliam, lui, se charge essentiellement de dessiner les animations et du design général des numéros. Le goût pour l’absurde et l’étrange, la farce grinçante, et les références constantes au surréalisme et à l’époque médiévale, constituent l’essentiel de l’inspiration du groupe, qui marquera plus tard les films de Terry Gilliam.
Sacré Graal
Dès 1971, les Monty Python investissent les salles et réalisent leur premier long métrage, Pataquesse. Mais le résultat déçoit les intéressés qui décident de fonder leur maison de production. Objectif : faire des films, certes, mais avec un temps de préparation nécessaire. C’est en 1974, avec Sacré Graal, que la troupe remporte alors son premier succès. Deux ans plus tard, Gilliam réalise de son côté Jabberwocky, fable médiévale, excrémentielle et burlesque, où sont joyeusement ridiculisés l’héroïsme, le fanatisme religieux et le sacré. En 1980, il réalise et coécrit avec Michael Palin Bandits, bandits, voyage dans le temps halluciné où se croisent successivement Robin des Bois, Napoléon et Agamemnon.
Brazil et les autres
Vient alors Brazil. En 1982, Terry Gilliam a l’idée d’un film d’anticipation, mêlant onirisme et atmosphère kafkaïenne, où le destin singulier d’un petit bureaucrate (Jonathan Pryce) lui permettrait de concocter une charge féroce contre la technocratie. Le film obtiendra un immense succès critique et public, et permettra à Gilliam de mettre en chantier un autre film fou : Les aventures du baron Münchausen. Après quatre ans de tournage, le film sort et rafle quatre Oscars. En 1990, Gilliam retourne aux États‑Unis et réalise son premier film hollywoodien à partir d’un scénario de Richard Lagravenese (futur réalisateur D’une vie à l’autre), Fisher King, avec Robin Williams et Jeff Bridges. Cinq années s’écouleront avant que Gilliam ne s’attaque à une transposition moderne de La jetée de Chris Marker avec L’armée des douze singes. En l’an 2035, 99% de la population mondiale a été décimée par un mal mystérieux. Contraints de se réfugier sous terre, les survivants espèrent qu’un voyage à travers le temps (en 1996) leur permettra de découvrir les circonstances du drame et de le prévenir. « Le script des frères People m’a captivé, explique le réalisateur, par sa dimension mystérieuse et sa richesse thématique. Il parle du temps, de la folie, de la perception du monde, du rêve, de la mort, de la résurrection dans un monde au bord de l’abîme ». Film étrange et déconcertant, construit selon un emboîtement complexe d’intrigues, L’armée des douze singes est aujourd’hui considéré comme un classique.
De Las Vegas à La Mancha
Suivront plus récemment Las Vegas parano (1998), La cage (2001), Les frères Grimm (2005), Tideland (2006), L'imaginarium du Docteur Parnassus (2009). Sans oublier le naufrage de L'homme qui tua Don Quichotte, film maudit inabouti plus connu sous le nom de son making of, Lost in Mancha. Terry Gilliam fera aussi une apparition dans le film de son ami Dupontel, Enfermé dehors (2006).