Après avoir donné au genre quelques‑uns de ses plus beaux fleurons, l’homme qui réalisa The Thing continue d'explorer l'horreur sous toutes ses coutures, de Vampires, western crépusculaire dans lequel une horde de mercenaires dirigée par James Woods traque des suceurs de sang, jusqu'au récent The Ward, son hôpital en folie… Retour aux origines du mythe.
Enfant de la balle
John Carpenter voit le jour en 1948 à Bowling Green, une petite ville située dans le Kentucky. Né d’un père musicien qui fera de lui un compositeur hors pair, Carpenter se passionne très tôt pour la science‑fiction et le fantastique. Dès 14 ans, il réalise ses premiers courts métrages aux titres symptomatiques (Revenge of the Colossal Beasts, Warrior and the Demon, Sorcerer from Outer Space...) et fonde un fanzine exclusivement consacré à son genre de prédilection, le bien‑nommé Fantastic Films Illustrated.
L'école du court
À l’âge de 20 ans, il s’inscrit au département cinéma de la fameuse University of South California. En 1970, il coréalise The Resurrection of Bronco Billy, un court métrage surréaliste (un adolescent s’exile dans le vieil Ouest afin d’échapper à la dure réalité) pour lequel il obtiendra la même année l’Oscar du meilleur Court Métrage. Après avoir livré sa propre version parodique du 2001 de Kubrick (Dark Star), Carpenter écrit Assaut, une transposition à peine déguisée du Rio Bravo d’Howard Hawks en milieu urbain. À la lisière du western et du fantastique ‑le spectre de La nuit des morts vivants plane sur tout le film‑, Assaut recevra au Festival de Londres de 1978 un accueil triomphal de la part de la critique comme du public. C’est là qu’un producteur totalement inconnu, Irvin Yablans, lui donne l’opportunité de réaliser Halloween.
Naissance de Snake Plissken
Après le succès du film, grande est la tentation de tomber dans l’escarcelle des studios hollywoodiens. Mais Carpenter décide de rester le temps de deux films encore dans le giron de compagnies indépendantes et signe coup sur coup The Fog et New York 1997, pour lequel il crée le personnage de Snake Plissken, antihéros borgne et cynique que l’on retrouvera plus tard sous les traits de Mac Ready alias Kurt Russell (The Thing), ou encore John Nada (Invasion Los Angeles). Balancé entre un nihilisme à toute épreuve et une morale fondée sur le professionnalisme, le héros‑type de Carpenter apparaît dès lors comme un homme sans avenir, aux prises avec des phénomènes qui le dépassent. C’est probablement Mac Ready, le pilote d’hélicoptère du terrifiant The Thing, qui en fait l’expérience la plus douloureuse. Dans ce film que Carpenter réalise en 1982, douze hommes se retrouvent en proie à une créature protéiforme qui prend l’apparence de ses victimes. À partir d’une réflexion magistrale sur l’identité humaine, Carpenter signe un huis clos parfait, donnant ainsi au cinéma de genre l’une de ses plus abominables engeances. Concoctées par Rob Bottin, les métamorphoses de « la Chose » resteront encore longtemps dans les annales de l’horreur pelliculée.
Le doute
Malgré sa qualité, The Thing échouera au box‑office, marquant les débuts orageux des relations entre Carpenter et les majors. Échaudé, le jeune prodige de Hollywood entame une période de recherche. Après une adaptation décevante d’un roman de King (Christine), un road‑movie romantique teinté de SF (Starman) et un hommage jouissif au cinéma de genre asiatique (Jack Burton), la machine semble grippée.
Farouchement indépendant
En 1987, Carpenter signe avec une compagnie indépendante (Alive Films) qui lui donne carte blanche. Ce retour aux sources prendra le visage de Prince des Ténèbres et du décapant Invasion Los Angeles, dans lequel Carpenter impose un héros SDF en lutte contre des extraterrestres au look de golden boys. Suivront Les aventures d’un homme invisible, L’antre de la folie (l’une des réflexions les plus brillantes réalisées sur les mécanismes de l’horreur), Le village des damnés, et enfin la suite vitriolée et remarquable de New York 1997, Los Angeles 2013. Sans oublier Ghosts of Mars en 2001. À 64 ans, l'homme se faisait discret depuis, jusqu'au récent The Ward passé assez inaperçu, mais disponible en DVD/Blu‑Ray chez Metropolitan Film & Vidéo.