C’est probablement cette scène dite de la « roulette russe » qui figea définitivement pour le grand public l’image de Christopher Walken. Des années durant, l’un des acteurs les plus surprenants de sa génération fut donc employé pour rejouer à satiété ce personnage bien sous tout rapport, que le sort fera peu à peu sombrer dans la paranoïa et la folie. « Il est vrai que les réalisateurs ont tendance à me proposer des personnages un peu dérangés, irrécupérables, parfois même méchants, déclarait Walken à l'époque. Je crois que je le dois à mon visage. Il en inquiète plus d’un ».
Parcours atypique
Depuis, la carrière de Christopher Walken s’est partagée entre des apparitions fugitives et des rôles taillés sur‑mesure par des cinéastes atypiques. Abel Ferrara, qui lui offrit le rôle phare de The King of New York en 1990, fait partie de ceux‑là. Plus à l’aise dans les projets marginaux qu’au sein des grosses machines hollywoodiennes, Walken continuera son petit bonhomme de chemin, préférant aujourd'hui encore, à 58 ans, les cinéastes aux cachets.
D'abord le théâtre
Christopher Walken, de son vrai nom Ronald Walken (Ronnie Walken est son autre pseudo), voit le jour en 1943 à Astoria, dans le Queens. Très tôt, sa mère pousse Ronald et ses deux autres frères à participer à des auditions. Ainsi, à l’âge de 15 ans, Walken fait ses débuts sur la scène de Broadway, dans J.B d’Elia Kazan. Après avoir suivi des études de lettres, il remonte sur les planches et obtiendra durant quelques années de petits rôles. Il fera même de la figuration comme danseur dans des comédies musicales (on se souvient encore de sa performance de danseur dans le clip de Fatboy Slim, Weapon of Choice). C’est alors que Ronald décide de changer de prénom. Il se rebaptise Christopher à l’occasion de la première de Baker Street, pièce dans laquelle il fait quelques apparitions. Il obtiendra sa première récompense en 1966 pour son rôle du roi Philippe dans A Lion in Winter de James Goldman. Mais Walken lorgne maintenant vers le cinéma.
Puis le cinéma
Me and my Brother (Robert Frank, 1969) marque ses débuts à l’écran. Il lui faudra cependant attendre 1972 pour que Sidney Lumet lui offre le rôle d’un surveillant névrosé aux côtés de Sean Connery dans Le gang Anderson. Woody Allen le remarque alors et l’embauche cinq ans plus tard pour incarner le frère suicidaire de Diane Keaton dans Annie Hall (1977). Puis c’est au tour de Michael Cimino de s’intéresser à cet acteur doté d’un physique hors norme. Il lui propose alors de rejoindre De Niro, Meryl Streep, John Savage et John Cazale, dans une saga de trois heures qui met en scène les ravages de la guerre du Vietnam vus par le prisme d'une bande d’ouvriers d’origine polonaise : Voyage au bout de l’enfer. Pour sa prestation, Walken recevra l’Oscar du Meilleur second rôle. Sa carrière est définitivement lancée.
Cimino, Ferrara…
Il récidivera avec Cimino l’année suivante dans La porte du paradis, film dont le naufrage fut à l’origine de la baisse subite des budgets de production au début des années 80. En 1983, David Cronenberg, le pape du cinéma canadien, lui confie le rôle principal dans Dead Zone et Douglas Trunbull l’embauche pour Brainstorm. À partir de 1984, Christopher Walken se partage entre prestations plus alimentaires et rôles de choix. Il apparaîtra ainsi sous les traits du méchant dans un James Bond (Dangereusement vôtre), d’un multimillionnaire cynique dans Batman Returns de Tim Burton (qu'il retrouvera dans Sleepy Hollow en 2000), ou encore du général déjanté dans Pulp Fiction.
De film en film
Mais ses performances dans The King of New York de Ferrara, où il incarne un mafieux libéré de prison désireux de reconquérir son territoire, ou dans Comme un chien enragé de James Foley, continuent de forger sa notoriété d’acteur exceptionnel, capable de jouer sur tous les registres. Les rôles marginaux, parfois expérimentaux, Walken ne les compte plus. Ces dernières années, il est apparu dans Dernières heures à Denver en compagnie d’Andy Garcia, dans God’s Army de Gregory Widen (scénariste de Highlander) où il incarnait l’ange Gabriel, dans The Addiction de Ferrara encore, film de vampire moderne et barbare, ou encore dans True Romance de Tony Scott, en camé déjanté. À 58 ans, Walken ne semble pas ralentir son activité. Et à la vue de son immense filmographie, plus que son visage que l'on retient, c'est sans doute sa capacité à se transformer physiquement qui étonne.
Filmographie sélective
1971 : Le gang Anderson (Sidney Lumet) • 1977 : Annie Hall (Woody Allen) • 1979 : Voyage au bout de l’enfer (Michael Cimino) • 1980 : La porte du paradis (Michael Cimino), Les chiens de guerre (John Irvin) • 1983 : Dead Zone (David Cronenberg), Brainstorm (Douglas Trunbull) • 1985 : Dangereusement vôtre (John Glen) • 1986 : Comme un chien enragé (James Foley) • 1988 : Homeboy (Michael Seresin), Biloxi Blues (Mike Nichols) • 1990 : King of New York (Abel Ferrara) • 1992 : Batman Returns (Tim Burton) • 1993 : True Romance (Tony Scott) • 1994 : Pulp Fiction (Quentin Tarantino) • 1995 : Nick of Time (John Badham), The Addiction (Abel Ferrara), God’s Army (Gregory Widen), Search and Destroy (David Salle) • 1996 : Dernier recours (Walter Hill), Nos funérailles (Abel Ferrara) • 1997 : Excess Baggage (Marco Brambilla), Touch (Paul Schrader) • 2000 : Sleepy Hollow, la légende du cavalier sans tête (Tim Burton) • 2003 : Arrête-moi si tu peux (Steven Spielberg) • 2004 : Man on Fire (Tony Scott) • 2005 : Domino (Tony Scott) • 2007 : Hairspray (Adam Shankman)