le 28 février 2020 - 10h44

Alan Parker, reconnu mais toujours contesté

Cinéaste génial pour la génération des années 80, tâcheron démagogue surestimé pour la vieille garde, Alan Parker aura donné avec Ridley Scott (Britannique lui aussi), Russell Mulcahy et Kathryn Bigelow, un second souffle au cinéma après l’âge d'or des Seventies.

A

De Midnight Express, auréolé de deux Oscars et de six Golden Globes, à Birdy en passant par Evita et Pink Floyd the Wall, la marque de fabrique parkerienne demeure sans conteste le lyrisme.

Un lyrisme que l'on retrouve même dans ses films les plus intimistes (L’usure du temps) où Alan Parler applique son savoir‑faire basé sur deux grands principes : la confiance dans la force de son sujet de départ et l’importance de la mise en scène, généralement peu avare en effets (ralentis, éclairages appuyés, décadrages, musique électronique) pour mieux appuyer l’impact du film. Un cinéaste de l’émotion également, et de l’identification massive aux personnages (voir le personnage interprété par Brad Davis dans Midnight Express). Avec Evita (le meilleur rôle de Madonna avec Snake Eyes d’Abel Ferrara), The Commitments, Fame et Pink Floyd the Wall, il signera notamment les plus belles réussites musicales de ces vingt dernières années.

 

Premiers pas

Né en Angleterre en 1944, Alan Parker fait ses premiers pas derrière la caméra en 1975 avec Bugsy Malone (premier rôle de Jodie Foster qui n’a alors que 8 ans), une parodie des films de gangsters des années 20 intégralement jouée par des enfants. Au‑delà d’une idée de départ insolite et séduisante, le film peine à trouver sa vitesse de croisière. Il faudra attendre 1977 pour que la carrière de Parker explose. À partir de l’histoire véridique de Billy Hayes, un Américain ayant passé des années dans une prison turque pour détention de drogue, Oliver Stone écrit le scénario de ce qui deviendra un film culte. Mis en musique par Giorgio Moroder, Midnight Express pose les bases des obsessions et du style de Parker : le thème de l’enfermement, la capacité à provoquer l’identification immédiate aux personnages, une direction des acteurs éblouissante et une mise en scène valorisant l’émotion et le baroque.

 

Le cas The Wall

En 1979, Parker signe Fame, une comédie musicale qui deviendra ensuite une série télévisée à succès, L’usure du temps, un drame intimiste sur le mariage puis Pink Floyd the Wall en 1981. Ce film, inspiré d’un album éponyme du groupe américain et interprété par son leader Bob Geldof, demeure encore l’un des films musicaux les plus ahurissants jamais tournés. Glauque, contestataire, The Wall témoigne d’une inventivité formelle incroyable. Mélange de séquences animées ultra‑violentes et sexuelles, de trips hallucinatoires, le tout innervé d’images sublimes : une expérience musicale unique.

 

Mickey Rourke dans Angel Heart (1987)

Mickey Rourke dans Angel Heart (1987)

 

L'ambitieux Angel Heart

En 1984, Parker adapte un roman de William Wharton et propose à Nicolas Cage et Matthew Modine les deux rôles principaux de Birdy. Malaise d’une jeunesse à la recherche de repères (ils sont de jeunes vétérans du Viêtnam), le film remporte le Prix spécial du jury au Festival de Cannes. Deux ans plus tard, Parker réalise peut‑être son film le plus ambitieux. Flirtant avec le mythe de Faust, d’Œdipe, le tout sur fond de rituels vaudous, Angel Heart raconte l’histoire d’un détective privé (Mickey Rourke) qui se voit confié par un certain Louis Cyphre (Lucifer alias Robert De Niro) la mission de retrouver un chanteur disparu. Peu à peu, l’enquête vire à l’expérience cauchemardesque, une descente dans les enfers de sa propre identité. Lors de sa sortie aux États‑Unis, le film écopa d’une volée de critiques lui reprochant son extrême violence.

 

Retour à la sagesse

1988 marque un tournant dans l’œuvre de Parker. Mississippi Burning, qui s’intéresse à l’aventure tragique de deux agents du FBI (Willem Dafoe et Gene Hackman) chargés de traquer en Louisiane les criminels du KKK, inaugure une période moins faste, moins enthousiaste. Après cela, les ambitions de Parker semblent moindres. À l’exception du décapant The Commitments (qu’il réalise en Angleterre en 1991), Bienvenue au paradis, Aux bons soins du docteur Kellogg (comédie navrante), Evita et Les cendres d’Angela, son dernier film, témoignent du retour de Parker au classicisme, à la sagesse contrairement à la folie qui, naguère, le poussa à signer quelques‑uns des grands films de ces dernières décennies.

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