USS Greyhound, la bataille de l’Atlantique, c’est la dernière grosse cartouche en date dégainée par le service de VOD Apple TV+. Imaginez l’aubaine : une grosse production de guerre jouée, scénarisée et produite par Tom Hanks qui passe directement en VOD sans passer par la case cinéma pour cause de coronavirus ! Avant d’essayer d’analyser pourquoi ce film n’offre pas une satisfaction absolue, petit pitch.
L’histoire ?
Durant la Seconde Guerre mondiale, le commandant Ernest Krause (Tom Hanks) se voit confier une mission délicate. Lui et son destroyer, le Greyhound, doivent mener l’escorte d’un gros convoi de 37 navires alliés traversant l’Atlantique à destination de l’Angleterre. Le convoi doit passer dans le « Dark Pit », une zone très périlleuse, car hors de portée des aviations américaines ou britanniques. C’est la première fois que Krause fait cette traversée et cette Transatlantique inaugurale, affectée par une météo très orageuse, va s’avérer un cauchemar. Car une meute de U-Boote, les sous-marins nazis, a repéré le convoi et entend bien couler l’essentiel des navires avant leur arrivée à Liverpool.
Un pari risqué...
Greyhound est un vieux projet de Tom Hanks, annoncé par la star en 2016 et inspiré d’un livre de mémoires déniché dans une brocante. Greyhound n’est d’ailleurs pas le premier scénario du comédien et réalisateur. Tom Hanks est déjà passé à l’écriture dans des séries télé (De la Terre à la Lune, Frères d’armes) ainsi qu'au cinéma (Il n’est jamais trop tard). Auteur et financier du film, Tom Hanks a fait sur Greyhound un double pari a priori louable : celui du réalisme et de l’authenticité historique avec, en bonus, une écriture sensible des personnages jouant moins sur l’expressivité que sur le sous-entendu. Derrière les caméras, c’est le cinéaste Aaron Schneider qui s’y colle. Également un pari gonflé. Si l’on excepte Le grand jour avec Robert Duvall (2009), cet ex-directeur photo livre ici son premier « grand » film.
Trop de réalisme ?
Bâti sur des postulats louables et même audacieux, USS Greyhound peine malgré tout à convaincre. Dans l’action, le parti pris du réalisme (navires, équipements) rend la chasse aux sous-marins très technique, peu limpide donc et entraîne en prime de multiples et lassantes répétitions d’ordres qui alourdissent considérablement les dialogues. Si vous avez, comme votre serviteur, beaucoup pratiqué des simulations pointues de sous-marin, tout est pourtant parfait. Mais tel n’est pas le cas du grand public et la mortelle partie de cache-cache dépeinte par Greyhound reste beaucoup trop abstraite pour maintenir convenablement l’intérêt et la tension dramatique. Le réalisateur fait ce qu’il peut pour donner un peu plus de présence visuelle et sonore à ces U-Boote et leurs équipages fantomatiques. Parfois, il prend même de l’altitude pour mieux montrer les trajectoires des uns et des autres. Mais la menace peine malgré tout à prendre une substance tangible.
Trop de non-dits ?
Le traitement des personnages souffre aussi du postulat de Tom Hanks scénariste. Il est effectivement réaliste que le commandant Krause garde en permanence un visage de marbre et cache ses doutes à son équipage, surtout quand il doit prendre des décisions « impossibles » moralement. Tom Hanks, comédien très aguerri, s’en sort d’ailleurs parfaitement bien grâce un jeu très subtil de petits regards, d’infimes hésitations, d’erreurs verbales qui en disent long sur les émois intérieurs de son héros. Mais le réalisateur Aaron Schneider n’est pas à son aise pour filmer ces pépites psychologiques et contrarie ainsi les efforts de sa star. Krause reste d’ailleurs d’autant plus une énigme qu’il ne profite que d’une petite scène introductive en compagnie de sa fiancée (Élisabeth Shue). C’est la seule séquence, en dehors d’un très joli final dans la cabine du commandant, où le héros peut enfin être lui-même et dire qui il est.
USS Greyhound, la bataille de l'Atlantique demeure ainsi un original et appréciable film de guerre, mais il perd hélas en route ce qui aurait pu en faire une grande œuvre marquante.