Laura (Rashida Jones) et son mari Dean (Marlon Wayans) forment un joli couple new-yorkais, béni par deux adorables fillettes. À l’approche de la quarantaine, Laura expérimente des difficultés à rédiger son nouveau livre et nourrit des doutes sur la fidélité de Dean, entrepreneur en pleine ascension. La jeune femme s’en ouvre à son père Félix (Bill Murray), vendeur d’art pétri d’humour et séducteur compulsif. Félix, s’il ne s’est pas occupé de Laura durant l’enfance, conçoit une tendresse sans limites pour sa fille. Il décide de mettre ses considérables ressources financières -et ses initiatives beaucoup plus hasardeuses- au service de Laura pour surprendre Dean en flagrant délit d’adultère.
Un New York de carte portale
Autant ne pas laisser planer un faux suspense : On the Rocks, chronique d’une arrivée tardive à l’âge adulte disponible sur Apple TV+, ne réédite pas -loin de là même- le petit miracle qu’était Lost in Translation. Bill Murray, qui porte presque tout le film, y témoigne pourtant d’un humour iconoclaste parfait et d’un charme intact. Sofia Coppola marche quant à elle sur les traces de Woody Allen pour dépeindre un New York presque magique, débarrassé de violence, de pauvreté et d’une quelconque ombre de racisme. Dans cette entreprise, elle est bien servie par les jolies teintes automnales et la légère désaturation des images signée par le directeur photo Philippe Le Sourd (Les proies, The Grandmaster, Beauté volée).
Des personnages effacés
Les failles sont donc ailleurs. D’abord dans le casting. Rashida Jones (Parks and Recreation, The Social Network) joue une héroïne très « en dedans » qui intériorise tout, exprime peu et laisse toute la place à Bill Murray. Hors quelques scènes -notamment l’avant-épilogue- où Laura trouve sa propre voix (voie ?), rien ne paraît vraiment s’animer quand Bill Murray n’est pas à l'écran.
Mais un festival Bill Murray
Le casting de Rashida Jones n’est donc pas forcément heureux, mais le problème tient moins ici à la comédienne qu’à l’écriture de Sofia Coppola. Dans Lost in Translation, la cinéaste et scénariste avait très bien su suggérer les univers intérieurs de l’héroïne -elle aussi taiseuse- campée par Scarlett Johansson et de la star vieillissante incarnée par Bill Murray. Dans On the Rocks, rien de tel. Félix, le personnage de Murray, est bien ciselé, mais Laura toujours en retrait, toujours en contrepoint, le tandem ne marche finalement que sur deux pattes au lieu de quatre et la dynamique du duo n’émerge jamais.
Même si On the Rocks reste une déception douce-amère, le film vaut malgré tout le coup d’œil tant Bill Murray y livre, comme d’habitude, des trésors subtils d’interprétation.