Le film suit le parcours de deux habitants la cité des Bosquets qui vont réagir de façon diamétralement opposée face à la politique agressive du nouveau maire envers les habitants des quartiers pauvres de sa ville, et notamment ceux du fameux Bâtiment 5.
Moins de tension mais un propos juste
Ce qui étonne de prime abord, c’est que l’on ne trouve plus vraiment la tension des Misérables dans cette nouvelle réalisation, alors qu’on la devine pourtant dans la situation décrite. On voit la pression monter, sans jamais la ressentir réellement.
La caméra est moins nerveuse, moins organique dans ce second film, que l’on sent certes plus maîtrisé (le magnifique plan d’ouverture qui fait écho au plan final). Mais c’est malheureusement au détriment de la puissance du film. Il y avait comme une urgence qui émanait des Misérables, elle manque cruellement à ce Bâtiment 5.
Cependant, ce que dénonce ce second film est tout aussi révoltant que ce que constatait le premier. On ne peut nier la justesse du propos du réalisateur qui connaît son sujet et décrit les affres de la banlieue comme personne, mais il semble s’être assagi. Son cinéma est devenu plus descriptif, moins viscéral.
Une vision trop naïve ?
Dans ce second volet de son triptyque annoncé sur la banlieue, Ladj Ly n’évoque plus trop les dérives policières (ou si peu) et se penche donc sur les problèmes du mal-logement, métonymiquement situés dans ce Bâtiment 5 qui donne son titre au film. Son regard légitime sur les mal-logés était plus qu’intéressant, malheureusement, il s’embourbe dans une dénonciation politique sans doute trop naïve et pas assez complexe pour sonner juste. Deux sujets pour un seul film, c’est sûrement un de trop.
Si, à l’origine, le projet devait s’inspirer de Claude Dilain, le réalisateur a visiblement changé d’avis pour dénoncer une certaine vision cynique de l’urbanisme des banlieues, reflet d’une lutte des classes et d’un racisme latent. Même s’il reste un peu de l’ex-maire socialiste de Clichy-sous-Bois dans le personnage interprété par Alexis Manenti, au final, le portrait est trop dilué. Le parcours complexe du personnage (qui aurait effectivement mérité un film à lui tout seul) n’est pas suffisamment exploité et rend le film bancal.
On prend les mêmes…
L’acteur retrouve ici ses partenaires de jeu des Misérables : Steve Tientcheu et Jeane Balibar qui ne sont d’ailleurs pas les seuls points communs entre les deux films qui se répondent sans cesse, parfois à la limite du fan service. Une grande partie de l’équipe technique est d'aileurs la même et le scénariste, Giordano Gederlini, a coécrit les deux métrages. Ils sont néanmoins dissemblables et peuvent très bien se regarder indépendamment.
Dans une belle scène au milieu du film, l’héroïne, Haby (Anta Diaw), reproche à son ami Blaz (Aristote Luyindula) de n’être que colère et de ne pas assez agir. Paradoxalement, c’est un peu de cette colère qui manque à ce Bâtiment 5 et qui avait marqué dans le précédent. Et pourtant, on se dit qu’elle a raison…
En panne d’ascenseur (social)
Le succès de sa précédente réalisation a visiblement offert plus de moyens au réalisateur. Fini le temps de la mono caméra dont la mobilité offrait non seulement une nervosité dynamique, mais permettait également de cacher bien des trous de budget. Il s’est sans doute perdu, à l’instar du personnage du maire idéaliste tendance naïve lors de sa prise de fonction, au début du film. Il dévie rapidement vers le pragmatisme diront certains, le cynisme tendance extrémiste, diront les autres.
Jamais vraiment raté, jamais vraiment réussi, le film ressemble à ce cercueil descendu à travers la cage d’escalier durant la première scène : en forçant un peu, ça passe toujours… Le scénario est à l’avenant. Les personnages évoluent en fonction des besoins scénaristiques et la crise du logement, pourtant au cœur du film, n’est au final qu’esquissée.
Si on avait pu reprocher aux Misérables son extrémisme, on ne peut que constater la mollesse de ce Bâtiment 5, bien délabré. C’est dommage, d’autant que le réalisateur n’a pas son pareil pour nous plonger dans la réalité des banlieues que beaucoup refusent de voir. Heureusement, il a toujours cette justesse quasi documentaire dans ce qu’il nous montre, toujours à la bonne distance. Malheureusement, cette fois, il arrive moins à nous intéresser à son propos.
Bâtiment 5 de Ladj Ly, avec Alexis Manenti, Anta Diaw, Aristote Luyindula, Steve Tientcheu et Jeane Balibar, sortira dans les salles le 6 décembre.