Tout commence à Tokyo où naît Kurosawa en 1910. Il embrasse d'abord plusieurs directions (Beaux‑Arts, groupuscules militants...) puis fait ses premiers pas dans le monde du cinéma comme troisième assistant‑réalisateur à la Toh, compagnie de production mythique qui vit naître la plupart des grands classiques du cinéma japonais, mais aussi la série des kaiju‑eiga (littéralement « films de monstres ») portée par Godzilla, Mothra et autres Rodan.
Dès ses débuts, il travaille avec Mikio Naruse (grand cinéaste japonais découvert sur le tard) et surtout Kajiro Yamamoto qui sera son maître de cinéma et pour lequel il écrira le scénario du Cheval. En 1943, il réalise son premier film, La légende du grand judo, où il adapte un court roman de Tsuneo Tomito, une histoire d’apprentissage fondée sur l’apparition du judo à la fin du XIXe siècle. Déjà apparaissent tous les thèmes du futur grand Kurosawa, à commencer par celui de la filiation, avec ces questions qui obséderont toute son œuvre : que transmettre, à qui et pourquoi ?
Autre figure centrale de sa filmographie, le samouraï. Le père de Kurosawa descendait lui‑même d’une famille d’illustres combattants, ceci expliquant sans doute cela…
Entre deux cultures
On a souvent dit de Kurosawa, et à juste titre d’ailleurs, que son cinéma se nourrissait autant de la culture nippone que de l’européenne, vers laquelle il lorgna à de nombreuses reprises. De ses adaptations de pièces shakespeariennes (Macbeth) au film noir américain dont il était un authentique connaisseur, Kurosawa a construit une œuvre à mi‑chemin entre deux cultures. Là certainement se trouve la clé du succès rapide de ses films en Occident (en fait, le premier grand cinéaste japonais à connaître une notoriété internationale) et la reprise de nombre d’entre eux.
Les exemples les plus célèbres demeurent celui des Sept samouraïs dont l’influence dépassa largement le cadre du film d’art martial pour irriguer aussi bien le western américain (voir le remake de John Sturges en 1960 avec Les sept mercenaires) que le western italien (avec l’exemple canonique de Pour une poignée de dollars reprenant presque plan pour plan Yojimbo). Sam Peckinpah, réalisateur de la mythique Horde sauvage, a souvent avoué sa dette envers le cinéaste japonais, surtout pour son utilisation du « sur-découpage » et du ralenti.
L'année 1951 marque réellement le tournant de sa carrière avec le succès de Rashomon qui rafle le Lion d’or à Venise. Film à la narration audacieuse (un même événement raconté selon trois points de vue différents dont on ne connaîtra finalement jamais la version exacte), Rashomon est sans doute le chef‑d’œuvre de son auteur.
Filmographie en deux parties
Esthétiquement, les films de Kurosawa frappent par la composition de leur cadre (le Scope majoritairement), leur montage et surtout leur épure, recentrant tout sur un minimum d’éléments. Afin de mieux situer ce cinéaste atypique, on peut diviser sa filmographie en deux parties. D’un côté les œuvres qui témoignent d’une appartenance aux films de genre (sans lui, le personnage du samouraï, interprété par Toshiro Mifune dans Barberousse, n’aurait probablement pas connu un tel succès). De l’autre, des films qui dressent un portrait sans concession de la société japonaise, de ses travers et de sa perte.
Avec Dodes ’Ka‑den, qu’il réalise en 1970 et qui sera le début d’une longue traversée du désert, Kurosawa livre sa vision pessimiste d’une jeunesse déboussolée, oisive, coincée entre des figures parentales absentes et une peur panique de s’engager dans l’avenir, le tout situé dans les bidonvilles crasseux et peureux de Tokyo. Ce film sera le début de la fin : Kurosawa ne trouve plus de fonds pour tourner ses films. Il est alors aidé par la Russie (qui finance Dersou Ouzala) et les États‑Unis (Steven Spielberg produira Rêves). En 1993, Kurosawa a 93 ans et se lance dans le tournage de Madadayo. Mais le maître du cinéma japonais décède en cours de route et le film sortira à titre posthume.
Akira Kurosawa, les films historiques
Le livre de Champclaux et Tahir (Ciné Vintage) édité par Sirius s'intéresse ainsi aux films historiques du cinéaste à travers 176 pages agrémentées de près de 250 photos, illustrations et affiches originales, dont de nombreux clichés inédits depuis plus de 60 ans. En bonus DVD, le documentaire Akira Kurosawa la voie (2011, 49 minutes) de Catherine Cadou, proche collaboratrice du maître partie à la rencontre des grands cinéastes qui ont puisé leur inspiration dans l’œuvre de Kurosawa : Clint Eastwood, Hayao Miyazaki, John Woo, Martin Sorcsese.
Également disponible sur le DVD bonus, une galerie de bandes‑annonces : Les 7 samouraïs, Le château de l’araignée, La forteresse cachée, Yojimbo, Sanjuro, Barberousse, Sugata Sanshiro, Kagemusha... Prix indicatif : 49 euros.